« J’ai passé 5 jours dans le coma. Quand je me suis réveillé, j’étais amnésique. Je me croyais en 2010. Anthony Beaufils, cycliste amateur de 22 ans, a frôlé la mort en mai dernier. Alors qu’il s’entraînait avec un ami sur une route de campagne, près de Chartres, il s’est fait percuter par une voiture à plus de 80km/h. « Je ne me rappelle de rien, on m’a tout raconté. » L’histoire d’Anthony est loin d’être un cas isolé. En France, près de 60 000 cyclistes sont hospitalisé·e·s, chaque année, suite à un accident de la route. Le mois de septembre 2020 affiche d’un triste record : 37 cyclistes sont décédé·e·s. C’est le chiffre le plus élevé depuis dix ans. Et si le nombre d’accidents impliquant des cyclistes augmente, c’est en partie dû au fait que le trafic vélo augmente, « La hausse moyenne du nombre de cyclistes sur une ville comme Rennes est de 15% par an, depuis quasiment 10 ans. En sept ans, le trafic cycliste a doublé et cela se ressent sur l’accidentologie », explique Guillaume Porcher, chargé de mission mobilité active à Rennes Métropole.
Cette hausse du nombre d'accidents en inquiètent plus d'un-e. Pour certain·e·s d’entre elleux, sortir son vélo est synonyme de peur. C’est le cas pour Pascal Mergault qui utilise son vélo quotidiennement pour aller au travail ou faire des courses.
« Je ne roule jamais sur les routes de campagne hormis les jours fériés et les dimanches. Il y a moins de trafic et je me sens plus en sécurité. »
Les potentiels dangers auxquels ce cycliste fait face l'ont forcé à changer ses habitudes. « Il y a un rond-point que je n’emprunte plus la journée parce que j’ai évité de peu deux accidents avec des bus. Alors, maintenant, je prends des passages piétons ou des pistes cyclables à l’envers. C’est moins dangereux. »
54 cyclistes tué·e·s en six mois
Tous les ans, les accidents impliquant les cyclistes sont en hausse. En 2019, 187 cyclistes ont été tué·e·s, soit 12 de plus qu’en 2018. Une tendance qui se confirme cette année. Durant l’été 2020, 1 566 cyclistes ont été accidenté·e·s contre 1 326 sur la même période un an plus tôt. Un facteur clef : le nombre de cyclistes sur les routes est aussi en augmentation de 7%. En effet, la crise du Covid-19 a poussé les Français·e·s à reprendre leur vélo, notamment en ville, où il y a un accroissement de 33%. D’autres raisons expliquent ce phénomène, comme le “coup de pouce vélo” de l'État . Il s’agit d’une aide s’élevant jusqu'à 100 euros pour la réparation de son vélo. Pour la Sécurité Routière, les usager·ère·s ont aussi délaissé les transports en commun, par peur de se faire contaminer par la Covid-19. En témoigne, la fréquentation des pistes cyclables qui a augmenté de 30% de mai à septembre. Cette situation vise également à dépolluer les villes en réduisant le trafic routier.
En milieu urbain, les intersections sont considérées parmi les lieux les plus accidentogènes. En 2018, 1 160 cyclistes ont été victimes d’accidents dans ce type de carrefour. À Rennes, le service mobilité de la Métropole souhaite améliorer la situation des cyclistes. « Le conflit où il y a un gros travail, ce sont les accidents entre cyclistes et véhicules motorisés. Notamment dans les carrefours, les zones d’entrecroisement », souligne Guillaume Porcher, chargé de mission mobilité active à la métropole de Rennes. Afin d'améliorer la sécurité, la collectivité rennaise cherche à « rendre les cyclistes plus visibles ». Selon le Baromètre “Parlons Vélo, classant les villes selon leurs aménagements cyclables, Rennes se trouve à la troisième place. La moitié des voiries rennaises est dotée de pistes cyclables, ce qui représente environ 250 kilomètres d’équipements. Des travaux qui ne rassurent pas forcément les premier·e·s concerné·e·s. « Quand je vais au travail ou faire les courses, je me sens en danger chaque jour », raconte Pascal Mergault. Il ne se sent pas en sécurité malgré les aménagements, en cause notamment, la peur des autres véhicules dans le trafic.
Plus de cyclistes, plus d’accidents, plus d’imprudence
La hausse du nombre d’accidents impliquant des cyclistes s’explique par une variété d’éléments. « Ils peuvent être météorologiques, mais on doit aussi tenir compte des comportements des utilisateurs », prévient Guillaume Porcher. « Globalement, les cyclistes sont beaucoup plus pointés du doigt, alors qu’en moyenne, ils ne commettent pas plus d’infractions que les autres utilisateur·rice·s. ». Anthony Beaufils estime que son accident lui a permis d’ouvrir les yeux sur les dangers au quotidien. Aujourd’hui, il se veut prévenant : « Il faut que les gens prennent conscience que sur ce vélo ça aurait pu être leurs proches. » Cependant, les cyclistes ne sont pas exempts de tout reproche. « Certain·e·s roulent avec leurs écouteurs ou ne s’arrêtent pas aux feux rouges, par exemple », rappelle Pascal Mergault. « Ces comportements tiennent de la responsabilité de chacun·e, ajoute Guillaume Porcher. « La mobilité reste une liberté fondamentale, une liberté individuelle. On ne va pas mettre un gendarme derrière chaque usager. »
Cette observation est confirmée par la Sécurité Routière. « Ce qui est dangereux en ville, ce sont surtout les angles morts avec les poids lourds », explique Amandine Cuinet, chargée des relations presse de la Sécurité routière. Les accidents sont aussi dus à la mauvaise visibilité des cyclistes. Pour tenter de résoudre ce problème, des campagnes de sensibilisation sont mises en place pour informer les pratiquant·e·s du vélo. Elles ciblent les cyclistes, en leur adressant des messages qui les concernent, affichés dans des endroits spécifiques, comme à l'arrière des bus par exemple. Elle note aussi que les accidents hors-agglomération sont moins nombreux, mais la gravité des chocs est plus importante.
« Cela est dû à la vitesse. Les voitures ont un habitacle pour se protéger, alors que les cyclistes, eux, n’ont rien ».
Face à la nette augmentation du nombre de cyclistes et d’accidents, la Sécurité Routière réagit aussi sur le plan législatif. « Un décret oblige les poids lourds à coller un sticker à l’arrière du véhicule pour informer de leur angle mort », indique Amandine Cuinet. Toutefois, la Sécurité Routière ne peut pas imposer aux agglomérations ou aux métropoles d'aménager leurs routes pour les cyclistes : « la réglementation dépend des municipalités. Même si nous sommes rattachés au ministère de l'Intérieur, c’est aux communes de décider », affirme-t-elle. Pour elle, les campagnes de sensibilisation restent un moyen efficace. « Les cyclistes sont souvent mal informé·e·s. Dans l’angle mort d’un bus, on peut placer au moins dix vélos », poursuit-elle. La solution est donc de sensibiliser tous les usagers de la route, pour un meilleur partage de celle-ci.
Tous les acteur·rice·s de la route doivent sensibiliser pour permettre une prise de conscience générale, dans le but d’enrayer cette hausse du nombre de cyclistes accidenté·e·s. La cohabitation entre les différent.e.s usagé.e.s de la route doit se faire. Mais cela semble compliqué, les efforts doivent provenir de tout.e.s usagé.e.s, « les torts viennent aussi des cyclistes, tout le monde doit faire des efforts », conclut Pascal Mergot.